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Le harcélement scolaire

Le harcèlement scolaire a toujours été considéré comme un véritable fléau, et notamment depuis la multiplication des réseaux sociaux.

 

C’est pourquoi la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance a créé l’article L. 511-3-1 du Code de l’éducation lequel dispose que : « Aucun élève ne doit subir, de la part d’autres élèves, des faits de harcèlement ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions d’apprentissage susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d’altérer sa santé physique ou mentale »

 

Plus récemment, la loi n° 2022-299 du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire a créé l’infraction d’harcèlement scolaire.

 

   1. Quelle est la définition du harcèlement scolaire ?

 

Le nouvel article 222-33-2-3 du Code pénal dispose que :

 

« Constituent un harcèlement scolaire les faits de harcèlement moral définis aux quatre premiers alinéas de l’article 222-33-2-2 lorsqu’ils sont commis à l’encontre d’un élève par toute personne étudiant ou exerçant une activité professionnelle au sein du même établissement d’enseignement. Le harcèlement scolaire est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende lorsqu’il a causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’a entraîné aucune incapacité de travail. Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende lorsque les faits ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours. Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende lorsque les faits ont conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider. Le présent article est également applicable lorsque la commission des faits mentionnés au premier alinéa du présent article se poursuit alors que l’auteur ou la victime n’étudie plus ou n’exerce plus au sein de l’établissement. »

 

En outre, l’article 222-33-2-2 du Code pénal dispose que :

 

« Le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail.

 

L’infraction est également constituée :

a) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;

b) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.

 

Les faits mentionnés aux premier à quatrième alinéas sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende :

1° Lorsqu’ils ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours ;

2° Lorsqu’ils ont été commis sur un mineur ;

3° Lorsqu’ils ont été commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;

4° Lorsqu’ils ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique ;

5° Lorsqu’un mineur était présent et y a assisté.

 

Les faits mentionnés aux premier à quatrième alinéas sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende lorsqu’ils sont commis dans deux des circonstances mentionnées aux 1° à 5°. »

 

Dans le milieu scolaire, un harcèlement pourra être caractérisé lorsqu’un élève ou plusieurs élèves fait ou font subir à un autre élève, de manière répétée, des propos ou des comportements agressifs.

 

A cet égard, le Code pénal punit sans distinction tous les actes constitutifs de harcèlement scolaire (ex : insultes, moqueries, humiliations, violences physiques, vol, etc.), peu important qu’ils aient été commis au sein même des bâtiments de l’établissement scolaire ou alors à l’extérieur (ex : sur Internet : sur un ordinateur, sur un téléphone portable).

 

Pour revêtir une qualification pénale, ces actes doivent impérativement avoir entraîné une dégradation des conditions de vie et d’apprentissage de la victime.

De manière générale, cette dégradation des conditions de vie se manifeste par une anxiété, une « phobie scolaire », un repli sur soi, un état dépressif, ou encore une baisse significative des résultats scolaires de l’élève.

 

   2. Comment réagir en présence d’un cas de harcèlement scolaire ?

  • 1ère étape : Les parents doivent alerter l’établissement scolaire de leur enfant harcelé

 

Il revient à l’enfant harcelé ou à ses parents ou à tout témoin direct de prévenir immédiatement la direction de l’établissement scolaire : école, collège ou lycée.

 

A cet égard, tout membre du personnel éducatif (surveillant, enseignant, proviseur, etc…) ayant connaissance de faits de harcèlement doit avertir sans délai le procureur de la République, en lui communiquant tous les renseignements relatifs aux faits litigieux.

 

En effet, cette obligation résulte d’un protocole de traitement des situations de harcèlement devant être établi dans tous les établissements scolaires.

 

Attention ! La responsabilité de l’État peut être engagée si, au sein d’un établissement public local d’enseignement, aucun protocole de traitement des situations de harcèlement n’a été établi (TA de Rouen, 12 mai 2011).

 

Les parents de l’enfant victime peuvent également solliciter un changement d’établissement scolaire, en saisissant la Direction Académique des Services de l’Éducation Nationale (DASEN).

 

  • 2ème étape : Les parents doivent déposer plainte auprès des services de police ou de gendarmerie nationale

 

Le harcèlement moral est une infraction délictuelle.

 

A cet égard, l’article 8 du Code de procédure pénale dispose que : « L’action publique des délits se prescrit par six années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise. »

 

Concrètement, les parents de l’enfant harcelé disposent d’un délai de six ans à compter de la commission des derniers faits de harcèlement moral pour se rendre dans un Commissariat de police ou dans les locaux de gendarmerie nationale, et déposer plainte au nom de leur enfant harcelé, à l’encontre de l’auteur ou des auteurs ou des complices (majeurs et mineurs) du harcèlement.

 

Il convient de préciser qu’un mineur peut se rendre seul dans un Commissariat de police ou à la gendarmerie afin d’y signaler les faits.

 

Toutefois, il sera plus facile pour le mineur d’être accompagné de ses parents afin de le soutenir émotionnellement.

 

En outre, le mineur ne peut pas se constituer partie civile lui-même en vue de demander des dommages et intérêts.

 

Une fois la plainte déposée, une enquête de police sera menée par les services de police ou de gendarmerie sous le contrôle du procureur de la République.

 

Dans ce cadre, les parents, ainsi que l’enfant (assisté de ses parents), pourront être convoqués au Commissariat de police ou dans les locaux de gendarmerie nationale dans le cadre d’une audition.

 

Lors de cette audition, ils pourront évoquer précisément les faits de harcèlement subis, les préjudices engendrés, ainsi que l’identité des auteurs, complices et témoins.

 

Par ailleurs, toutes les personnes précédemment citées pourront être également entendues.

 

Attention ! Les parents de l’enfant harcelé ne peuvent pas déposer plainte à l’encontre des parents des auteurs ou des complices mineurs.

 

Il existe toutefois d’autres voies de recours à l’encontre de ces derniers (voir 3ème étape).

 

A l’issue de l’enquête pénale, le procureur de la République pourra décider d’engager des poursuites.

 

Ainsi, les parents de l’enfant harcelé pourront se constituer parties civiles au nom de l’enfant et en leur nom (en raison de leurs propres préjudices) et solliciter des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et, le cas échéant, du préjudice matériel subis.

 

Si le procureur de la République a décidé de classer l’affaire sans suite, les parents de l’enfant harcelé pourront alors possible exercer un recours auprès du Procureur Général ou choisir de déposer une plainte avec constitution de partie civile du Doyen des juges d’instruction du Tribunal Judiciaire du lieu de l’infraction ou du domicile de l’auteur du harcèlement. Ce dernier pourra désigner un Juge d’instruction qui pourra ouvrir une information judiciaire.

 

À l’issue de cette information judiciaire, le Juge d’instruction pourra prononcer un non-lieu ou, au contraire, renvoyer l’auteur des faits l’affaire devant la juridiction pénale compétente.

 

NB. Un enseignant ou tout autre personnel éducatif (surveillant, proviseur, etc…) pourrait faire l’objet d’une audience pénale, du chef de non-assistance à personne en danger, si l’individu n’a pas agi alors qu’il aurait pu empêcher la commission de violences à l’encontre d’un élève dont il avait connaissance.

 

  • 3ème étape (facultative) : Les parents peuvent engager la responsabilité civile du personnel éducatif fautif et celle des parents de l’enfant mineur auteur du harcèlement scolaire

  

   * A l’encontre du personnel éducatif fautif

 

Selon l’article L 911-4 du Code de l’éducation, dans tous les cas où la responsabilité des membres de l’enseignement public se trouve engagée à la suite ou à l’occasion d’un fait dommageable commis, soit par les élèves ou les étudiants qui leur sont confiés à raison de leurs fonctions, soit au détriment de ces élèves ou de ces étudiants dans les mêmes conditions, la responsabilité de l’Etat est substituée à celle desdits membres de l’enseignement qui ne peuvent jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants.

 

Il en est ainsi toutes les fois que, pendant la scolarité ou en dehors de la scolarité, dans un but d’enseignement ou d’éducation physique, non interdit par les règlements, les élèves et les étudiants confiés ainsi aux membres de l’enseignement public se trouvent sous la surveillance de ces derniers.

 

L’action récursoire peut être exercée par l’Etat soit contre le membre de l’enseignement public, soit contre les tiers, conformément au droit commun.

 

Dans l’action principale, les membres de l’enseignement public contre lesquels l’Etat pourrait éventuellement exercer l’action récursoire ne peuvent être entendus comme témoins.

 

L’action en responsabilité exercée par la victime, ses parents ou ses ayants droit, intentée contre l’Etat, ainsi responsable du dommage, est portée devant le tribunal de l’ordre judiciaire du lieu où le dommage a été causé et dirigée contre l’autorité académique compétente.

 

La prescription en ce qui concerne la réparation des dommages prévus par le présent article est acquise par trois années à partir du jour où le fait dommageable a été commis.

 

Toutefois, si l’établissement scolaire est privé, alors il appartiendra à la direction de l’établissement d’indemniser les parents, en lieu et place des membres du personnel éducatif fautifs.

 

Exemples :

– Reconnaissance des violences tant physiques que morales subies par l’élève et une faute de surveillance et de précaution de la part de la directrice de l’établissement (TGI Montpellier, 9 février 2011) ;

– Reconnaissance des défaillances dans l’organisation du collège et des réactions inadaptées de son personnel contribuant au décès (suicide) de l’élève harcelé sur les réseaux sociaux (TA Versailles, 26 janvier 2017) ;

 

   * A l’encontre des parents de l’enfant mineur auteur des faits

 

S’il est impossible de déposer plainte contre les parents de l’auteur mineur des faits, ces derniers peuvent en revanche engager leur responsabilité civile délictuelle devant une juridiction civile (Tribunal de proximité en cas de demandes pécuniaires inférieures à 10.000 euros ou Tribunal Judiciaire en cas de demandes pécuniaires supérieures à 10.000 euros).

 

En effet, l’article 1242 alinéa 4 du Code civil dispose que : « Le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux. »

 

En conséquence, le Juge civil peut condamner les parents de l’auteur mineur des faits à verser des dommages-intérêts à la victime en réparation des préjudices subis.

 

  • 4ème étape (facultative) : Les parents doivent surveiller les réseaux sociaux en cas de cyber-harcèlement :

Les parents de l’enfant harcelé doivent signaler les propos et autres commentaires portant atteinte à votre enfant, dans la mesure les réseaux sociaux (Facebook, Snapchat, Instagram, etc…) permettent le signalement des cyber-violences.

 

   3. Quelles sont les sanctions pénales passibles pour les auteurs de faits d’harcèlement scolaire ?

  • Lorsque l’auteur des faits est majeur :

 

Le délit de harcèlement moral commis sans circonstance aggravant et causant une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou alors n’ayant entraîné aucune incapacité de travail est puni d’une peine d’un an d’emprisonnement et d’une peine de 15.000 euros d’amende.

 

Toutefois, le délit de harcèlement moral est puni d’une peine de deux ans d’emprisonnement et d’une peine de 30.000 euros d’amende, lorsque les faits :

  • ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours ;
  • ont été commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;
  • ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique ;
  • ont été commis sur un mineur de quinze ans ;
  • ont été commis alors qu’un mineur était présent et y a assisté.

 

Enfin, le délit de harcèlement moral est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et d’une peine de 45.000 euros d’amende lorsque les faits ont été commis dans deux des circonstances précédemment mentionnées.

 

 

  • Lorsque l’auteur des faits est mineur :

 

Pour rappel, les mineur capables de discernement sont pénalement responsable des crimes, délits ou contraventions dont ils sont reconnus coupables.

 

L’article L. 11-1 du Code  de la justice pénale des mineurs rappelle qu’est capable de discernement le mineur qui a compris évolue son acte et qui est apte à comprendre le sens de la procédure pénale dont il fait l’objet.

 

Les mineurs de moins de 13 ans sont présumés ne pas être capables de discernement et les mineurs âgés d’au moins de 13 ans sont présumés être capables de discernement.

 

Si l’auteur est âgé de moins de 13 ans, pourront être prononcées des mesures éducatives, à savoir :

 

– un avertissement judiciaire ;

– une mesure éducative judiciaire = un accompagnement individualisé du mineur construit à partir d’une évaluation de sa situation personnelle, familiale, sanitaire et sociale : un module d’insertion ; un module de réparation ; un module de santé ; un module de placement ; une interdiction de paraître pour une durée qui ne saurait excéder un an, dans le ou les lieux dans lesquels l’infraction a été commise et qui sont désignés par la juridiction, à l’exception des lieux dans lesquels le mineur réside habituellement ; une interdiction d’entrer en contact avec la victime ou les coauteurs ou complices, désignés par la juridiction, pour une durée d’un an maximum ; une interdiction d’aller et venir sur la voie publique entre 22 heures et 6 heures sans être accompagné de l’un de ses représentants légaux, pour une durée de six mois maximum ; l’obligation de remettre un objet détenu ou appartenant au mineur et ayant servi à la commission de l’infraction ou qui en est le produit ; l’obligation de suivre un stage de formation civique, d’une durée qui ne peut excéder un mois, ayant pour objet de rappeler au mineur les obligations résultant de la loi.

 

En effet, les enfants de moins de 13 ans ne peuvent pas être condamnés à une peine d’emprisonnement ou à une peine d’amende.

Si toutefois le mineur est âgé entre 13 et 18 ans, alors ce dernier peut encourir une peine de 18 mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende, lorsque l’infraction a causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours on est entraîné aucune incapacité de travail.

Ces peines sont portés à 30 mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende, lorsque les faits ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours.

Si les faits ont conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider, alors le mineur encourera une peine de 5 ans en emprisonnement et une peine de 7.500 euros d’amende.